Idées moins reçues sur l' »invasion tunisienne »

Vendredi 26 avril, le site Arrêt sur images mettait en ligne une émission sur les clandestins tunisiens qui mettent en émoi Silvio Berlusconi à Lampedusa et Claude Guéant, notre glorieux ministre de l'Intérieur, à Vintimille.

A cette émission participaient :

Claire Rodier, présidente de Migreurop, réseau euro-africain d'aide aux migrants,
Khaled Chrigui, migrant tunisien qui vit actuellement dans un square du 19e arrondissement de Paris,
son avocate franco-tunisienne et bénévole Samia Maktouf,
François Renaut, journaliste-reporter d'images, et auteur avec la journaliste Alexandra Deniau d'une enquête très fouillée d'Envoyé Spécial sur les voyages de migrants tunisiens

Khaled dort depuis 6 semaines dans un square du 19ème arrondissement et après l'émission il est retourné dans son square où vivent 400 migrants tunisiens comme lui.

Au cours de cette émission, sont apparues un certain nombre d'informations qu'on trouve difficilement dans les médias traditionnels.

Pourquoi viennent-ils ?

Presque tous les bateaux partent de Zarzis, port situé à l’extrême sud de la Tunisie. Ils s'agit d'hommes jeunes du sud tunisien complètement délaissé du temps de Ben Ali. Ils ont manifesté, fait la révolution mais se rendent bien compte qu'il faudra beaucoup de temps pour que l'ouverture politique ait une influence bénéfique sur leur situation personnelle.
Ils décident donc de partir quelques années en Europe et surtout en France pour gagner de l'argent et pouvoir revenir au pays et s'installer.

Il faut préciser aussi qu'une des raisons de la révolution tunisienne c'était l'impossibilité de voyager. Une fois la dictature tombée, des passeurs ont créé une filière de sortie. Du temps de Ben Ali, l'obtention d'un visa pour l'Europe c'était 6000 euros en bakchich.

A la question de Daniel Schneidermann : "Pourquoi la France ?", Khaled a souri et expliqué que la france et la Tunisie c'est des liens depuis 1881, que, tous, ils ont de la famille ici.

Signalons aussi que, si les Tunisiens connaissent bien la France, ils ne sont pas au courant de la situation actuelle, économique et politique. Ils ne savent pas que c'est si difficile de trouver un emploi en France, même quand on a des papiers. Ils ne savent pas qu'en France le gouvernement pourchasse les étrangers qu'ils soient roms, d'origine africaine ou autre pour détourner les Français des vrais problèmes.

Quelle est leur situation ici ?

Khaled vit dans un parc dans le quartier de la Villette. Il dort dehors, sous la pluie éventuellement avec 400 de ses compatriotes depuis la mis-mars. Seuls quelques Tunisiens vivant en France leur apportent de de quoi manger. Depuis quelques jours des associations se mobilisent, ainsi que la Mairie de Paris.

C'est une situation totalement incompréhensible pour eux qui viennent d'une région éminemment solidaire. Leur pays, leur région d'origine accueille actuellement 250 000 réfugiés de Lybie de toutes origines (égyptiens, maliens, soudanais, bangladais). Khaled raconte que sa famille héberge actuellement 20 personnes !

Eux se trouvent dans la rue parce qu'une Europe de 580 millions d'habitants s'affole à l'idée de 20 000 migrants tunisiens !

Que faire ?

Parmi ceux qui sont là depuis un certain temps et qui n'ont pas trouvé de job, la plupart aimeraient rentrer chez eux. Mais ils n'ont ni argent, ni passeport. Il faudrait agir avec les autorités tunisiennes pour leur établir des passeports, leur donner les moyens de rentrer, les héberger et leur donner une adresse pour que la famille puisse leur envoyer de l'argent.

Que fait le gouvernement ?

Comme d'habitude, de la com pour montrer sa fermeté aux électeurs qui seraient attirés par les sirènes lepenistes. Tous les jours on en arrête quelques uns. On les met en garde à vue puis on les relâche avec une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) selon laquelle il s'engagent à quitter le territoire dans les 7 jours. Bien entendu, le ministère de l'Intérieur ne fait rien pour leur permettre de vraiment rentrer.

Vous avez déjà essayer de vous pointer dans un aéroport sans argent et sans passeport pour prendre l'avion ? Monsieur Guéant attend-il de ces Tunisiens qu'ils rentrent à pied ?

Idées reçues

Si on les reçoit trop bien ça fera appel d'air : Faux. Le flot se tarit déjà. Les informations sur la situation qu'ils trouvent ici arrivent dans le sud tunisien. Les institutions tunisiennes commencent à refonctionner, notamment les garde-côtes.

Il faut fermer les frontières pour éviter un déferlement : Faux. Si on permettait aux Tunisiens (Algériens, Marocains et tous les autres) de venir assez facilement en France, en exigeant éventuellement simplement un billet de retour, il serait aisé de venir, de voir qu'il est très difficile de trouver du travail et de repartir.
Et, pensez-vous vraiment qu'on pourra maintenir longtemps cette situation où les Européens entrent et sortent de Tunisie, du Maroc, de Turquie sans même un passeport, pour y passer des vacances ou leur retraite et qu'à l'inverse l'Europe soit une forteresse inexpugnable pour eux ?

Si quelqu'un pouvait m'expliquer un jour pourquoi cette constatation se vérifie aussi bien au niveau des individus que celui des peuples :

Plus on est riche, plus on est égoïste.

Laisser un commentaire