Lettre à Monsieur Philippe Richert, président du Conseil Régional d’Alsace

Le 2 juin le président de la République publiait son communiqué Réformer les territoires pour réformer la France ainsi qu'une nouvelle carte des régions métropolitaines. Nous savons tous maintenant dans quelles conditions cette carte a été dessinée, en un week-end, sous la pression de certains barons socialistes qui défendaient ce qu'ils pensaient être l'intérêt de leur région. Le dimanche, la région Champagne-Ardenne était mariée à la Lorraine et à l'Alsace pour former une grande région dans le Nord-Est. Le lundi, cette même Champagne-Ardenne était appariée à la Picardie. Les Champagne-Ardennais sont-ils contents d'avoir désormais une façade sur la mer ?

Je cite notre président :

Les régions, quant à elles, se sont imposées comme des acteurs majeurs de l’aménagement du territoire. Mais elles sont à l’étroit dans des espaces qui sont hérités de découpages administratifs remontant au milieu des années soixante. Leurs ressources ne correspondent plus à leurs compétences, qui elles-mêmes ne sont plus adaptées au développement de l’économie locale.

Pour les renforcer, je propose donc de ramener leur nombre de 22 à 14. Elles seront ainsi de taille européenne et capables de bâtir des stratégies territoriales. Une carte a été définie. Elle prend en compte les volontés de coopération qui ont été déjà engagées par les élus, dont je veux saluer le sens de l'intérêt général. Elle sera soumise au débat parlementaire. Mais il faut aller vite car il ne nous est pas permis de tergiverser sur un sujet aussi important pour l’avenir du pays.

Demain, ces grandes régions auront davantage de responsabilités. Elles seront la seule collectivité compétente pour soutenir les entreprises et porter les politiques de formation et d’emploi, pour intervenir en matière de transports, des trains régionaux aux bus en passant par les routes, les aéroports et les ports. Elles géreront les lycées et les collèges. Elles auront en charge l’aménagement et les grandes infrastructures.

C'est vrai qu'il n'y a aucune raison que les collège soient gérés par les départements et les lycées par les régions. Simplifier, clarifier, on ne peut être que favorable à cette démarche. Autre chose est de faire des regroupements hasardeux qui ont fluctué tout un week-end au hasard des pressions de tel ou tel. La seule justification qu'on donne à cette démarche c'est : "Elles seront ainsi de taille européenne et capables de bâtir des stratégies territoriales." Ça veut dire quoi, être de taille européenne ? L'Alsace, avec 1,8 millions d'habitants n'est pas de taille européenne alors que la Corse, avec 322 000 habitants, l'est ? Ou alors, c'est parce qu'aucune autre région ne veut épouser la Corse ? Et l'outremer ? Et le Luxembourg qui, avec 550 000 habitants est un pays et va peut-être imposer son ancien premier ministre (Jean-Claude Juncker) à la tête de la Commission Européenne, est-il de taille européenne ?

Monsieur le Président de Région, vous avez publié sur le site du Conseil Régional votre réaction à cette réforme. Et force est de reconnaître que votre analyse de cette réforme est excellente. Tout en reconnaissant la nécessité d'une réforme des collectivités locales, vous pointez toutes les incohérences et les insuffisances de celle qu'on nous propose là. Jusqu'au paragraphe :

Le projet : fédérer l’Alsace Lorraine

Je suis prêt à travailler sans dogmatisme à un rapprochement de l’Alsace et de la Lorraine.

Ayant partagé une histoire douloureuse qui les a rapprochées dans l’imaginaire national, l’Alsace et la Lorraine ont aujourd’hui en commun une vision naturellement européenne de leur territoire. Régions frontalières, elles ont développées avec leurs voisins de Sarre, du Bade-Wurtemberg, de Rhénanie-Palatinat, de Suisse et du Luxembourg des processus de coopération multiples, à la gouvernance bien établie et relayés par de nombreux acteurs socio-économiques. Confrontées à des problématiques spécifiques liées à leur positionnement géographique, participant à des instances de gouvernance tri-nationales, l’Alsace comme la Lorraine ont su s’imposer comme de réels interlocuteurs face à des collectivités étrangères disposant de compétences et de moyens bien plus étendus. Parce qu’elles ont une vision à 360°, elles ont su développer, dans leurs champs de compétences, un ensemble d’initiatives originales permettant de bénéficier du dynamisme de leurs voisins.

Les deux collectivités régionales cultivent par ailleurs de longue date des relations de travail sur différentes thématiques ressortant à leurs champs de compétences tels que les politiques des transports, la performance énergétique ou encore le développement de l’innovation.

Ce que nous propose le gouvernement, ce n'est pas un rapprochement, c'est la disparition des régions Alsace et Lorraine dans une grande région Alsace-Lorraine (de taille européenne ?). Déjà l'histoire douloureuse c'est l'Alsace et la Moselle. Ensuite à vous lire dans les deux paragraphes ci-dessus, ça marche très bien actuellement, non ? Pourquoi fusionner ?

Dès le vendredi 6 juin vous avez tenu une conférence de presse commune avec votre homologue lorrain. Si j'en crois ce que je lis dans la presse locale, vous avez passé plus de temps à rassurer les gens (fonctionnaires territoriaux, collègues élus) qu'à convaincre de la nécessité de cette fusion.

Je suis Alsacien et j'avoue que ça me ferait une drôle d'impression de dire je suis Alsacien-Lorrain. Cependant je n'ai nulle intention d'aller manifester le 28 juin avec des gens qui brandissent de sinistres étendards. Cependant, je vous serais reconnaissant si vous arriviez à me convaincre de fusionner avec la Lorraine.

Monsieur le Président de Région, ne peut-on clarifier, simplifier, améliorer les compétences et les ressources des régions actuelles sans les fusionner ?

Recevez, Monsieur le Président de Région, mes salutations les meilleures.

Laisser un commentaire